Avis de grand froid sur le Parti socialiste.
En dépit des températures estivales de ces derniers jours, l'ambiance est glaciale à Solferino. Lundi soir, alors qu'Emmanuel Macron venait de nommer Édouard Philippe, homme de droite, à Matignon, le bureau national du PS était désert. «On se croyait à un BN de début juillet, quand tout le monde est en vacances», ironise Benjamin Lucas, responsable des Jeunes socialistes. «C'est
quand même incroyable qu'à un moment où le nouveau président de la
République choisit un premier ministre issu des rangs des Républicains,
personne ou presque ne trouve opportun d'en discuter», peste un candidat aux législatives, parlant d'un PS devenu «atone».
Devant les imposantes grilles du siège, au 10 rue de Solferino, une poignée de journalistes attendent la fin de la réunion. Les membres du bureau national sortent au compte-gouttes. Et ils ne sont pas nombreux. Une dizaine d'élus tout au plus. Gérard Filoche, d'abord, peu avant 20 heures. Une mallette à la main, l'inénarrable inspecteur du travail est fidèle au poste. «Pas une voix pour Édouard Philippe, voilà ce que nous avons décidé!», s'exclame-t-il.
Le sénateur de Paris David Assouline, avec la mine des mauvais jours, fait irruption quelques minutes plus tard. «C'est vrai qu'il y avait peu de monde, mais le débat était intéressant», lâche-t-il. Les sénateurs Marie-Noëlle Lienemann et Luc Carvounas discutent sur le trottoir. «Les
choses vont mal, il n'y a plus de pilote dans l'avion, tout le monde
est planqué et fait ce qu'il veut dans son coin, c'est n'importe quoi», regrette, lasse, l'élue de l'aile gauche. Jean-Christophe Cambadélis apparaît, le seul d'humeur à se réjouir. «Le bureau national s'est très bien passé», esquive-t-il, s'engouffrant dans sa voiture.
Les autres ténors du parti sont aux abonnés absents. «La plupart sont en campagne dans leur circonscription», prend soin de souligner Corinne Narassiguin, porte-parole du PS. Christophe Borgel, en charge des élections, se félicite que les conclusions de la commission électorale aient été votées «en quatre secondes, sans débat». Tout simplement pour notifier que les socialistes investis par La République en marche (REM) perdent automatiquement leur étiquette PS… Ceux qui ont demandé l'investiture ou se réclament de la «majorité présidentielle», comme Manuel Valls sont, en revanche, épargnés…
«C'est
comme d'habitude, Cambadélis ne veut pas brusquer, il ne répond pas
clairement. On maintient une unité factice tout en se laissant marcher
dessus comme une serpillière alors que les électeurs attendent de nous
de la cohérence et de l'éthique», déplore Lienemann. Dans le viseur de la sénatrice: Manuel Valls et ses soutiens, qui, chaque jour plus nombreux, prêtent allégeance à Emmanuel Macron, mais «ne prennent même plus la peine de venir». «Plus personne ne se sent tenu par les décisions prises», constate-t-elle. On adopte le principe d'unité et ensuite ils vont tous essayer de négocier avec Macron.»
En réalité, les fractures sont tellement béantes que ces réunions sont devenues cosmétiques. Quand la majorité des socialistes condamnent le choix du premier ministre, l'aile droite, elle, applaudit des deux mains. «Édouard Philippe me semble celui qui peut rassembler les progressistes de droite et de gauche», se réjouit Didier Guillaume, patron du groupe PS au Sénat. Les législatives promettent leur lot de surprises: certains
candidats PS se montrent avec Macron sur leurs affiches de campagne
quand d'autres comptent sur la nomination d'un premier ministre de
droite pour «libérer l'espace à gauche» et mobiliser l'électorat.
Le grand écart.
Par Mathilde Siraud le 16/05/2017
Le Figaro